Comment développer sa compétence face aux risques ?
Quelques réflexions et suggestions pour faire face aux menaces, grandes et petites.
Compte rendu réalisé par Adrian Schräder
Photographie : Florian Kalotay
Cela ne vous aura sans doute pas échappé en lisant ce magazine : même si nous faisons tout notre possible et prenons toutes les précautions nécessaires, nous ne sommes pas à l’abri de certains risques, même en Suisse. Matthias Holenstein, directeur de la fondation Risiko-Dialog, nous explique comment y faire face.
« Je tiens d’abord à souligner que les risques ne sont pas mauvais en soi. Ils font partie de la vie et sont des moteurs de développement, de changement et d’innovation.
- Notre perception est biaisée : les risques sont souvent surestimés ou sous-estimés. Les problèmes cardiovasculaires, par exemple, sont sous-estimés. Pourtant, il serait assez facile de les prévenir en pratiquant régulièrement une activité physique, en faisant du sport, en adoptant une bonne alimentation et en dormant suffisamment.
- Il est parfaitement compréhensible que les préoccupations du quotidien prennent le pas sur l’éventualité d’une pénurie d’électricité. Ce type de situation requiert l’expertise de professionnels. Toutefois, cela ne signifie pas que nous devons rester passifs, nous pouvons tous apporter notre contribution.
- Es ist völlig normal, sich zuerst mit seinen Alltagsproblemen und -risiken zu beschäftigen und nicht mit einer drohenden Strommangellage. Hier sind erst mal Fachleute gefragt. Es darf aber nicht dazu führen, dass wir uns einfach zurücklehnen. Wir alle können etwas beitragen.
- Voici ce qu’il faut retenir avant tout : peu importe l’ampleur du risque, nous ne sommes jamais démunis. Il y a toujours quelque chose que nous pouvons faire.
- Cela signifie que même face aux grands défis mondiaux, nous avons le pouvoir d’agir. Ensemble, nous pouvons anticiper les crises et y faire face. Pour cela, deux éléments sont essentiels : premièrement, une collaboration étroite entre l’État, le monde économique et la société civile. Deuxièmement, nous pouvons nous soutenir mutuellement dans notre environnement proche – que ce soit dans le voisinage, entre amis ou au sein du quartier – pour faire face ensemble à de tels événements. Des études sur les feux de brousse en Australie ou les tornades aux États-Unis ont montré que, face à une menace croissante, les individus cultivent un esprit d’entraide durable.
- En matière de compétence face aux risques, on distingue trois aspects : la connaissance des risques et des mesures possibles, la capacité à faire face à des contraintes ou à des dangers, ainsi que l’action et, en fin de compte, la volonté d’agir : je prends des précautions ou j’interviens lorsque quelque chose se produit.
- C’est en anticipant que nous cultivons, tôt ou tard, une « compétence en matière d’agilité ». Cela signifie : ayez confiance en vous et en vos capacités, mais soyez également prêt à accepter que parfois, certaines choses ne fonctionnent pas. Que vous n’obteniez pas un emploi, qu’un amour se brise, que la vie ne vous sourit pas toujours. La vie continue, quoi qu’il arrive – c’est ce que l’expérience nous apprend. Cela peut sembler cynique et banal, mais ceux qui ont déjà traversé des crises sont mieux à même d’y faire face.
- Lorsqu’un dialogue s’ouvre sur un enjeu social complexe tel que le dépôt en profondeur, il est essentiel de renforcer les connaissances techniques là où elles font défaut. Les institutions en charge doivent également intégrer les perceptions et les émotions des citoyens dans leur démarche. Il s’agit ensuite d’engager véritablement le dialogue : Quelles connaissances vous font défaut ? Quelles sont vos préoccupations ? Quels ajustements pourraient encore être apportés au projet ? Cela permet de renforcer la confiance.
- Il faut une certaine rationalité dans la gestion des risques. Il y a des faits, et il faut les connaître. Mais en même temps, une approche émotionnelle est également légitime.
- Gérer les risques, c’est aussi savoir trouver un équilibre : avant de prendre une décision, il faut peser soigneusement les avantages et les inconvénients, les dangers et les opportunités. Dans la sphère privée, il est plus simple d’éviter certains risques ; on peut choisir de ne pas faire de saut à l’élastique, par exemple. Mais à l’échelle de la société, cette liberté n’existe pas. Des enjeux comme les déchets nucléaires ou la protection du climat ne peuvent être ignorés. On pourrait certes les mettre de côté, mais les conséquences seraient désastreuses.
- En Suisse, nous savons en général très bien gérer les crises. Nous avons aussi une certaine habileté à repousser les réalités dérangeantes, qu’il s’agisse de la guerre, du changement climatique ou de l’intelligence artificielle. Il nous arrive encore fréquemment de croire que ces phénomènes ne nous concernent pas directement. Le développement stable des dernières décennies vient aussi fausser notre perception.
- Ce qui doit vraiment nous préoccuper, c’est le risque que la jeune génération perde espoir en l’avenir et en vienne à croire que tout va mal. Il est donc essentiel que nous abordions davantage les défis de l’avenir, que ce soit à l’école, pendant nos loisirs ou en famille. Que nous anticipions ensemble l’avenir et développions les compétences nécessaires pour y faire face. »
Matthias Holenstein est directeur de la fondation Risiko-Dialog. La fondation, dont le siège est à Zurich, a été créée il y a 36 ans dans le but de développer la capacité à gérer les risques et les crises.
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